Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

50 CHAPITRE DEUXIÈME.

effet, comme ceux du Languedoc, fermés à la foule des gentilshommes ; douze barons héréditaires y avaient seuls entrée.

On voit maintenant quels sentiments divers et complexes agitaient d’Antraigues, lorsqu'il devint pour toute la France un des boutefeux de la Révolution prochaine. Les Droits de l’homme étant à la mode, il allait les invoquer, avec une sincérité de circonstance, en faveur des électeurs du Vivarais et du Languedoc, et par surcroît de tous les Français.

Pendant l'été de 1788, les événements précurseurs d’une grande crise se précipitaient. Ce furent d’abord l'exil des Parlements, appelés alors par tout le monde les remparts des libertés publiques ; puis l'annonce des États généraux, la chute de Brienne et le retour de Necker aux affaires. Factums, journaux, remontrances, brochures pleuvaient, entretenant l'agitation dans les esprits, allumant à certains jours l'émeute dans les rues. D’Antraigues entendait non loin de lui, en Dauphiné, les députés rassemblés à Vizille parler haut pour le pays et pour la France entière; il avait vu son ami d'Esprémesnil saisi sur son siège par la force armée, et son autre ami Mirabeau lui écrivait : « Les États généraux sont devenus inévitables, autant qu’ils sont nécessaires pour rétablir notre constitution monarchique (1). » Atteint, au fond de son château, par la fièvre générale, il maudit à son tour Brienne et rédigea, pendant les mois de mai, juin et juillet 1788, son Mémoire sur les États généraux, leurs droits el la manière de les convoquer. Son ami le prieur Malosse, et peut-être aussi sa sœur Mme de Viennois,

(1) Mirabeau à d’Antraigues, 17 août 1788 (dans l’Adresse à la noblesse de France, p 4%, note).