Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

6 INTRODUCTION.

son maître. Traité en faux frère par les chefs de l'émigration, il se transforme en un politicien cosmopolite, utile parfois, importun le plus souvent aux hommes d'État autrichiens, russes ou anglais qui l’emploient. Serviteur de la réaction européenne, et serviteur payé de toutes mains, il va d'abord de Venise à Vienne, puis de Vienne à Dresde, de Dresde à Londres, tissant son inextricable et impuissante toile d’araignée autour de la France, fournissant aux cabinets et aux ministres des idées, des renseignements, des plans de manifestes et de négociations. Son odyssée mystérieuse et famélique, traversée à la fois par des aventures romanesques et des préoccupations littéraires, se clôt par une catastrophe tragique et a été, en définitive, stérile. Elle n'a valu à d'Antraigues, sauf quelques satisfactions passagères d’amour-propre, que des déceptions, des humiliations, et la réputation équivoque qui demeure attachée à son nom.

Cette vie est pourtant intéressante, comme celle des hommes qui ont toujours lutté, toujours été vaincus, et n’ont jamais voulu avouer leur défaite. Elle se recommande aussi par les grands événements qu'elle a traversés, par les vies illustres dont elle demeure inséparable. Certes, les contemporains de d'Antraigues ont été durs à son endroit; Bonaparte l’a fraité de « polisson » et d’«insolent» , et, autour de Louis XVIIT, après lui avoir accordé une confiance absolue, on l’a appelé « la fleur des drôles (1) ». Pour l'Espagnol

(1) Note de d’Avaray. (A. F., France, vol. 596, f° 2.)