Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
62 CHAPITRE DEUXIÈME.
dans sa chambre, ou en commun? La Chambre de la noblesse était du premier avis, et le donna en validant, dès le 6 mai, 237 de ses membres; elle sentait bien, comme le tiers état, que la vérification en commun aurait pour conséquence nécessaire la délibération en commun, la fusion des ordres dans une Assemblée nationale. La Chambre du clergé souhaitait la conciliation, sans trop savoir comment l'établir entre des prétentions si opposées. Au milieu de ses collègues, d’Antraigues, oubliant soudain les évêques et les barons languedociens, se mit, avec Bouthillier, Cazalès, Luxembourg, à la tête de la résistance. On le croyait si bien encore de cœur avec le parti populaire que sa défection était attendue comme un exemple, et on lui écrivait pour l’exhorter à venir prendre place, seul sur les bancs de son ordre, dans la salle commune (1). Mais autant dans son Mémoire il avait été agressif contre certains abus provinciaux et contre la plupart des institutions existantes par surcroit, autant il allait se montrer attaché à l'ensemble d'usages mal définis et de précédents souvent surannés qui composaient l'ancienne constitution. Il s'en tint donc à cette idée que la séparation des ordres ayant velo l'un sur l’autre dans les États éfait un des principes essentiels de la monarchie, et prononça le 10 mai un discours qui fut pour l'avenir sa profession de foi. Il y demandait que, jusqu’à la solution du différend sur la délibération par ordre ou par tête, les précédents fussent maintenus, et que la Chambre, pour mieux affirmer les droits de l'ordre de la noblesse, rédigeàt aussitôt un règlement spécial à son usage.
(1) Lettre de Louis d’Antraiques à M. des .…., p. 18.