Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

PREMIÈRES INTRIGUES (1790-1792). 83

passa Ja frontière. Dans l'automne de 1790, d’Antraigues quitta Lausanne et se réfugia avec elle à l'extrémité de la Suisse, dans les bailliages italiens sujets d'Uri, à Mendrisio. Ils habitèrent dans cette bourgade une maison appartenant, comme celle de Groslay, à leur ami commun le comte Turconi (1). Le 29 décembre, leur mariage fut béni, avec dispense de publications de bans, dans l’église du village de Castello San Pietro. D'Antraigues savait le chagrin qu’il allait causer à sa mère; aussi cette union devait-elle être et fut-elle tenue secrète pendant plusieurs années. La Saint-Huberty revint à Paris l'année suivante arranger définitivement ses affaires, puis, au printemps de 1792, afin de cacher une grossesse déjà avancée, elle alla s'établir à Milan (2). Le 26 juin, elle mit au monde, dans cette ville ou aux environs, un fils. Une femme de chambre déclara comme sien l'enfant, qui fut néanmoins baptisé sous le nom paternel.

Tels furent les débuts de ce singulier ménage, où la bénédiction du prêtre mit la régularité, sinon la paix. Tout en aimant sincèrement celle qui portait désormais son nom, d'Antraîgues ne se crut pas toujours astreint à

(4) De Goxcourr, la Saint-Huberty, p. 216-220. — Kavurek, Papiers de Barthélemy, t. IL, p. 376.

Turconi a aujourd'hui sa statue à Mendrisio; il a été le bienfaiteur de cette ville et le fondateur de son hôpital. Son habitation était à Loverciano, près de Castello San Pietro. Il mourut à Paris en 1805.

(2) « Depuis avant-hier nous possédons à Milan M. d’Antraigues.., fous ses pas jusqu’à cette heure ont été quelques visites à des Français, et tout le reste du temps chez l'actrice Mile SaintHuberti, qui, depuis un mois, est ici malade, logée chez le jeune docteur Moscati, comme son ancien amant. Il paraît que la visite n’est que pour elle, mais à bon compte, il est surveillé... » L’archiduc Ferdinand à l'empereur Léopold, 11 février 4792, — (A. V.)