Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
88 CHAPITRE TROISIÈME.
« le très humble, très obéissant et très dévot fils (1) ».
Au milieu de ses palinodies raisonnées, d’Antraigues restait fidèle à son passé par un seul sentiment, sa vénération envers Jean-Jacques. Il ne craignait pas d'insérer son apologie dans des écrits en faveur de la religion et de la monarchie, de le présenter en ennemi des Encyclopédistes et des athées. Il excusait le Contrat social, ce roman d’un beau génie; il se souvenait que l’auteur avait donné de sages conseils aux Polonais et insisté, dans son Jugement sur la polysynodie, sur le danger de toucher à la monarchie française. Il était honteux pour lui des commentaires d’un Robespierre et des hommages de l’Assemblée nationale, et il se décida alors à détruire un manuscrit complémentaire du Contral social qu’il possédait; il craignait, disait-il, que les théoriciens du moment n’en tirassent des conséquences propres à aggraver encore la crise présente (2). Tel est du moins le motif qu'il à invoqué; mais si l'on songe que l'ouvrage détruit par lui développait sa thèse favorite sur l'inanité des formes parlementaires et la nécessité des mandats impératifs, on peut craindre qu’il n’en ait mis à profit sous son nom les principaux passages, et qu'il n'ait voulu se dérober ainsi à une trop juste accusation de plagiat.
Du rôle de publiciste à celui d’agent royaliste la transilion était insensible; d'Antraigues l’eut bientôt franchie.
Un agent, dans la langue et les usages de l'émigration, est un personnage à part. Écrivain ou homme
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d'action par certains côtés, il est par cerlains autres
(1) Minute de lettre datée de Mendrisio, 18 octobre 1791. (A. N..AF #%.)
(2) Quelle est la situation de l'Assemblée nationale? Note complémentaire, p. 60