Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
92 CHAPITRE TROISIÈME.
notre noble armée en soit capable? que notre cher comte d'Artois, ayant son Agnès Sorel à ses côtés, soit homme à faire la conquête de la France comme Charles (VIT) avec sa garde bleue, maitresse en têle el confesseur en queue? N'y aura-t-il pas des cruautés horribles de la part des royalistes? Tout ce qui est à Coblence ne parle et ne dit que des vengeances et du sang. Le tout pourra finir par une guerre de religion entre deux partis qui n’en ont aucune (1). » Il poussait les illusions de l’émigralion jusqu’à craindre pour la « régence » du comte de Provence les intrigues de Marie-Antoinette, prisonnière au Temple, et il se surprenait à admirer ses adversaires plus que ses amis. À la pensée des marins légendaires du Vengeur, il s'écrie : « Ce ne sont plus des hommes (2)! » Le duc d’Enghien ajoutera : « Ce sont des dieux! »
À eux deux, d’Antraigues et Las Casas prétendirent conduire, selon les intentions secrètes de Louis XVI, la politique étrangère de l’émigration naissante ; ils étaient secondés et couverts auprès des princes par les conseils discrets de Bernis et de Vaudreuil. Malheur à qui voulait marcher dans leur sillon, sur leurs brisées! Ce fut le cas de Froment, un bourgeois remuant de Nimes, dont les événements avaient fait le chef du parti royaliste en Languedoc. Il eut l’imprudence de se faire donner à Coblence une mission directe pour Naples; quand il voulut l’accomplir, il se heurta partout à de sourdes
(1) Las Casas à d'Antraigues, 10 décembre 1791. (A. EF.) La correspondance de Las Casas avec d’Antraigues, qui va de 1791 à 1798, comprend plusieurs centaines de lettres presque toutes intéressantes par le fond et la forme. (A. F., france, vol. 637-639.)
(2) Las Casas à d’Antraigues, 1® juillet 179%.