Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
94 CHAPITRE TROISIÈME.
et portant les conclusions suivantes : Louis XVI, désirant comprimer les factieux et octroyer librement à son peuple une constitution raisonnable, avait besoin d’un noyau de troupes étrangères propres à rallier ses sujets et soldats fidèles. Il demandait qu’en novembre 1790 24,000 Espagnols marchassent sur Perpignan, puis sur Toulouse, où le roi viendrait au-devant d'eux. Ce projet était adopté et l'expédition résolue lorsque Florida-Blanea fit savoir que l'Angleterre considérait comme un casus belli l'entrée d’un seul Espagnol armé en France; elle se refusait à terminer le conflit pendant entre elle et le cabinet de Madrid au sujet de la baie de Nootka, tant qu’elle n'aurait pas l’assurance du désintéressement complet de Charles IV au sujet des affaires de France (1).
* D'Antraigues essaya au moins de mettre à profit les dispositions des royalistes sur ce côté des frontières françaises. En novembre 1791 il expédiait auprès de Lascy, gouverneur de Catalogne, l'abbé Froment, frère de l’agitateur niîmois, chargé de solliciter un concours quelconque au mouvement militaire qu’on supposait en préparation à Perpignan. Mais ce mouvement se réduisit à un complot d'officiers qui, n'étant soutenus ni par le peuple ni par leurs propres soldats, durent se disperser et émigrer avant d’avoir tiré l'épée.
La cour de Madrid restait inerte, sans se montrer indifférente. Elle avait organisé dès 1791 une correspondance secrète à Paris, qui jusqu’à la mort de Louis XVI circula directement de cette ville à Madrid. Despomelles, un réformateur militaire dont d’Antraigues avait naguère vanté les plans, et Lemaitre, un avocat jadis mêlé aux intrigues de l'opposition parlementaire, la rédigèrent les
(1) Mémoire du 16 novembre 180%. (A. P et A. V.)