Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues
PREMIÈRES INTRIGUES (1790-1792). 95
premiers avec l'assentiment du prisonnier des Tuileries (1). Cette correspondance aux frais du gouvernement espagnol languit lorsque d'Aranda eut remplacé Florida-Blanca à la tête des affaires étrangères (février 1792). D'Aranda était un sceptique qui ne se piquait pas de sympathies, même en paroles, pour les malheurs des Bourbons de France. D’Antraigues dut alors regarder ailleurs ; il était allé, dès l’année précédente, solliciter l'empereur Léopold à Padoue ; il s’aboucha ensuite avec ses émules de Coblence, et s'employa à seconder sur les Alpes l'offensive qui se préparait sur le Rhin contre les monarchiens et les républicains de Paris.
A Coblence, ses services n'avaient pas été d’abord acceptés sans appréhension (2). Deux de ses amis, bien en cour auprès du comte d'Artois, Sérent et Vaudreuil, lui obtinrent cependant la confiance. Lui, de son côté, se mit à exalter Calonne et ses plans chimériques de restauration. Il s'associa aux accusations qui représentaient Marie-Antoinette comme impatiente de ressaisir son pouvoir de 1787, et Breteuil comme l'instrument d’une réaction où dominerait l'influence autrichienne. Il n’en appréciait pas moins avec sévérité l'entourage des. princes, et tous ces importants, courtisans ou bravaches, qui se préoccupaient moins de restaurer la monarchie que de s’y préparer une bonne place au lendemain de la Restauration.
(1) On peut croire que la lettre du 10 mai 1791, citée par Vaudreuil écrivant au comte d'Artois (Correspondance, ete., t. I, p. 371), appartenait déjà à cette correspondance.
(2) Las Casas à d’Antraigues, 27 août 1790. — Cf. Correspondance intime de Vaudreuil et du comte d'Artois, t. 1, p.153, 172, 340, et la lettre du comte d'Artois du 2 janvier 1792. (Samseury, the Napoleon Museum, p.161.)