Variétés révolutionnaires

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drapeaux. De tous ces grades, un seul lui fut conféré régulièrement, celui de lieutenant, et encore ne l'obtint-il qu'à l'ancienneté. Il dut tous les autres à l'intrigue, à la faveur de Robespierre jeune ou de Barras, ou les gagna à la suite de journées révolutionnaires, après le 10 août ou le 13 vendémiaire. Jamais officier n'eut moins les habitudes et le tempérament militaires. Fréquentant uniquement les hommes politiques, il ressentit toujours pour ses compagnons d'armes, sauf pour les nullités, comme Junot, une invincible répulsion. L'humiliation de ses débuts, du temps où la pauvreté lui semblait si amère à côté de ses camarades plus riches de Brienne ou de l'Ecole militaire, le contact obligatoire pour lui, à cette époque, d'officiers appartenant aux classes privilégiées, ces premiers souvenirs ne s'effacèrent jamais de l'esprit du cadet corse. Cet homme, qui a donné à l'art militaire une si haute perfection, en fit une industrie, et il ne le considéra jamais que comme un moyen de parvenir aux honneurs ou à la richesse. Qu'on rapproche les proclamations de Bonaparte offrant à ses régiments comme une proie les provinces de l'Italie, de celles de Hoche et de Kléber, ces grands citoyens et ces grands soldats ! Le point d'honneur lui-même, si vivace dans les âmes françaises, n'existait pas chez le général, qui, deux fois, à treize ans de distance, abandonnait lâchement ses armées dans les sables brûlants d'Egypte et dans les glaces de Russie. On dirait, à étudier de près