Variétés révolutionnaires
LUCIEN BONAPARTE 319
d’«idéologie » en traitant le maître d'«idéophobe ». On cherchait, à la cour consulaire, à oublier les jours de misère et de jeûne en banquetant et en jouant la comédie sous la direction de l'acteur Dugazon. Les grands dignitaires, un peu enfants, se livraient parfois aux joies innocentes du saute-mouton dans les allées de la Malmaison. Un jour, le peintre Isabey, légèrement myope, ne s’oublia-t-il pas au point d’enfourcher par méprise l'échine auguste de Bonaparte ? Jupiter fronca le sourcil, et le peintre fut privé de diner. Mais Joséphine, la nymphe du lieu, dépitée en voyant son mari jeter le mouchoir à toutes les femmes de son entourage, y compris ses sœurs (consulter sur ce point délicat les Mémoires de Mme de Rémusat), inquiète surtout de constater dans son miroir les outrages du temps, et pleurant la disparition « de ces derniers attraits que le peintre Gérard, habile restaurateur de la beauté flétrie des femmes sur le retour, a fort agréablement reproduits », Joséphine vivait sous la crainte perpétuelle du divorce. Elle en voulait particulièrement à Lucien, l'entremetteur du mariage de Bonaparte avec l'infante d'Espagne, dont son mari avait eu la cruauté de l’entretenir. Joséphine tenait une vengeance toute prête : elle vouiut jeter sa fille Hortense dans les bras de son beau-frère. Mais Lucien avait de la méfiance : cette jeune personne, « fort avancée pour son âge dans la connaissance des choses d'ici-bas », la digne élève de Mme Campan, assez jolie malgré les dents gâtées qu'elle tenait de sa mère, ne lui