Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

232 CATHERINE II ET LA RÉVOLUTION

Grimm, l’intime ami des encyclopédistes, s’est fait anti-révolutionnaire. Peu d’hommes autant que ce critique qui occupe une si grande place dans la littérature de la seconde partie du XVIIE siècle, comprirent moins la portée des idées nouvelles, et peu outragèrent davantage la Révolution. C’est lui qui, l'année d'avant l’ouverture des États-Généraux, dira : « Je vois bien que vous voulez inventer la liberté, et dépasser, à force de génie, les Anglais et les Américains, mais tâchez de ne pas rester derrière les Polonais. » Grimm s'entend comme pas un au métier de courtisun. Il flatte les idées anti-révolutionnaires de Catherine, les excite même; il le fait dans un style lourd, mais avec un zèle parfois divertissant. Grimm -parlera quelquefois à sa souveraine de Barnave, de Camus, de Condorcet, de Rolland et de quelques autres lêles du parti de la nation. Catherine prononcera dès lors deux ou trois fois les noms de Barnave, de Camus et de Condorcet, mais elle dédaignera d’entirer en discussion à propos d'hommes qu'elle accuse d’être causes de tout le mal.

Nous savons qu'elle inspira la Gazet{e de St-Pélersbourg, qui dès 1790 dira : « La liberté ne fait vivre que les brigands.» Ces brigands sont pour l'officieuse Gazette, c’est-à-dire pour la Tsarine, « de fortes têtes de législateurs alourdies par la fumée desliqueurs fortes. » Comme le dit M. Pingaud, « les constituants sont comparés à des ivrognes ; » et la Gazelle impuissante à trouver des expressions plus violentes contre les régicides, se taira quand arriveront les journées de 1793,

Ce n’est qu’à la fin de 179% que la Tsarine demande