Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

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connaît pas le local. » Ces erreurs, d’ailleurs, la contrarient si peu, que si elle le connaissait, elle entrerait «par ci par là en dispute avec lui, » Catherine, malgré le faible qu'elle avait eu pour les philosophes, n'avait jamais goûté l’économie politique ; en 1777, elle avait pour cette science le plus profond mépris : « Il me pleut des livres économiques, écrit-elle à Grimm en 1775 (1), mais je les jette tous au feu sans les lire ; cela est pécore, je l'avoue, mais je ne puis les souffrir, et je mange et mangerai du pain sans vous, les braillards. » L’exception qu’elle fait pour Necker permet de juger du degré d'estime qu'elle a pour son talent.

On sait quelle doctrine Necker professait surl’amitié, et quelle conduite il tint vis-à-vis de ses amis quand il occupa le pouvoir. A son avis un homme politique ne doit rien faire en faveur de l'amitié. Necker suivit strietement cette ligne de conduite. Elle ne lui réussit pas. Naturellement il mécontenta ses amis et la plupart ne le lui pardonnèrent pas.

Etranger et protestant, Necker s'était cru tenu à plus de probité qu’un autre. Gette conduite valut à son honnêteté une teinte de puritanisme qui lui fut reproché. C'est ce qui faisait dire à Grimm : « Ce qu’il ya de sûr et ce qu’on a observé, c'est que pour son intérét il vaut mieux être l'ennemi de M. Necker etavoir eu des torts avec lui que d'être son ami : ear jamais il n’a rien pris ni retranché à ceux dont il avait à se plaindre, de peur qu'on le soupçonnât d'être guidé par la passion et

(1) Lettre du 20 septembre,