Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

NECKER, MIRABEAU, SÉNAC DE MEILHAN 951

permis. « Je sais aussi qu'il est difficile de faire entendre raison à l'homme lorsque le Ciel le punit ou munit d’orgueil : alors tous ses organes sont fermés pour tout ce qu'on peut lui dire; n’y à que lui qui voit, qui imagine, qui opine, et tout ce que pensent et disent les autres, fut-ce la plus belle chose du monde, n'est rien autre qu'une offense à son orgueil : un orgueilleux est ivre d’orgueil ; j'en ai vu comme cela, et je les dépeins d'après nature. » (1) La Tsarine n’a pas oublié ce que Grimm lui a écrit en 1784. « Necker aimait un peu à tapisser sur la rue, à faire un grand éclat devant sa boutique, à attirer {ous les yeux, à les détourner peutêtre de tous les autres, pour jouir exelusivement du frou-frou de la réputation. » Catherine II n'y a pas vu grand mal d’abord; elle se l’est rappelé le jour où Necker a perdu ses sympathies.

Ce n’est pas encore assez : Grimm a souffert de la Révolution. Aussi n’a-t-il pas besoin de se forcer pour réchauffer les idées contre-révolutionnaires de sa souveraine. Il a, d'ailleurs, pour habitude d'étudier ses goûts et de flatter ses penchants. Catherine ne parlera plus de Necker que deux ou trois fois. Le 44 avril 4795 elle écrira à Grimm : « Je vous félicite d’avoir rompu communication avec le eitoyen Necker. Souvenez-vous de l’aversion que j'avais toujours pour ee faiseur de phrases empesées, et dans lesquelles on voyait à chaque ligne, en grandes lettres, le MOI. » Et elle souscrit très

(1) Lettre à Grimm du 10 mai 1791.