Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

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que « la frénésie gauloise » corrompt tout avec une rapidité alarmante, et qu'il n’y a pas jusqu’à la langue qui ne soit déjà profondément atteinte, « de sorte que la langue des Racine et des Voltaire aura incessamment un air étranger. » Et il prophétise avec un sérieux divertissant que « la langue russe deviendra celle des cours et la langue française la langue des savants. » Prophétie qui n’a pas même le mérite de l'originalité ! Grimm avait été devancé par l'abbé Galiani. De l'avis de Grimm, notre langue passera pour avoir cessé d’être écrite et parlée à peu près à la mort de Voltaire. Et il ajoute : « Ce n'est sûrement pas dans le verbiage civique d’un tas d'avocats et de polissons, ni dans le jargon de Mirabeau que la postérité reconnaïtra le caractère de la langue française. » Voilà le cas que le critique Melchior Grimm fait de l'éloquence du grand orateur de la Révolution ! Comme si l’art moderne de la parole, qui exige les conditions politiques de l'actualité et de Pimprovisation, pouvait prétendre à la perfection littéraire! Catherine ne répond pas à cetrait de son « souffre-douleurs,» mais nous savons à quoi nous en tenir sur son sentiment : à ses yeux, le parler de Rousseau et le « jargon » de Mirabeau ne font que déformer Ja langue du siècle de Louis XIV. On sait cependant que Mirabeau fut en même temps que le tribun de la Révolution, «un historien profond et concis, et un écrivain de premier ordre. » (1)

Par cela seul que Mirabeau s’est fait le défenseur des

(1) M. Edmond Rousse.