Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

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homme, et d’après cette découverte je prédirais ce qu’il en sera de la France.» Et deux jours après elle lui dira: « Je n'aime pas les honneurs rendus à Mirabeau, et je ne comprends pas pourquoi, à moins que ce ne soit pour encourager la scélératesse ettous les vices. Mirabeau mérite l’estime de Sodome et de Gomorrhe. »

Voilà donc un homme dont Grimm a dû reconnaitre que sa mort était regardée comme un malheur public! Et c’est dans ces termes qu’en parle l’Impératrice ! Qu’eût-elle dit, si Mirabeau, au lieu de prèter un appui tardif au roi et decompromettre sa réputation politique dans ce marché louche, eût persévéré, sans aucun égard pour la monarchie agonisante, dans son rôle de revendicateur et de justicier du peuple ?

Nous savons que Catherine w’ignorait pas les pourparlers qui existaient entre la cour de Versailles et le grand tribun. Noussavonsaussi que Catherine, qui pourletriomphe de ses vues diplomatiques est femme à tirer parti de toutes les circonstances et ne craint pas dese plier aux nécessités politiques de la monarchie parlementaire, avait chargé son ambassadeur à Paris, Simoline, de se mettre en rapport avec Mirabeau, comme étant le seul homme capable de faire triompher les vues de la Russie dans les conseils de l’Assemblée. Et au dire de Rostoptchine (1), Mirabeau fut généreusement payé pour pousser la France à la guerre avec l'Angleterre ! Argent qui fut donné en pure perte... pour la Russie. On sait, en effet, qu’il y eut entre Simoline et Mirabeau plusieurs

(4) Archives Woronzof, tome VIII.