Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

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pourrait tourner contre la gloire de l’Impératrice. Et Catherine est prise d’hésitation. Elle n’aime pas en effet «les statues dressées du vivart» des souverains ; on sait qu’elle refusa à Falconet l’autorisation de dresser sa statue à côté de celle de Pierre-le-Grand. Aussi donne-t-elle déjà ses appréciations sur la Russie passée et présente. Elle indique déjà les idées dont doit être conçue une histoire de la Russie ; elle ne se doute pas encore, dans la confiance de l'éloignement, que Sénac de Meilhan, n’a songé à celte histoire de Russie qu’afin d'arriver jusqu’à elle, de capter sa confiance, et de gagner un haut poste administratif ou diplomatique, le rêve de sa vie. N est-ce pas un plaisir également de suivre la Tsarine dans ses jugements sur la France révolutionnaire ? Elle parle de l’état alarmant de la France, non en se plaçant au point de vue français, mais au point de vue des souverains ; ellesentque la passion populaire a remplacé la raison d'Etat, et elle pressent que ces idées pourraient gagner la Russie. Ellé redoute la Révolution, parce que la Révolution ébranlera les trônes voisins, et parce que si l'anarchie se communiquait aux autres Etats de l’Europe, les Tures qu'elle combat en ce moment, en bénéficieraient aux dépens de son Empire. C’est dans le même esprit qu'elle écrivait à Grimm, quelques mois après : « Si le mal de votre Révolution gagnait, ce qu'il ne fera pas à cause des sottises de vos gens, j’en féliciterais les Turcs. » Se trouvant en guerre avec les Tures, c’est d'eux qu’elle joue en ce moment vis-à-vis de l'Europe. Pour tous ces motifs, bien que ces craintes soient vagues et indécises, elle redouble de précautions à l’é-