Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

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€ mon avis la larme à l'œil aussi. Mon naturel est gai et « franc, mais j'ai trop vécu dans le monde pour ignorer « qu’il y a des esprits atrabilaires qui n'aiment pas la « gaité, et tous les esprits ne sauront comporter la vé« rité et la franchise. Adieu pour aujourd’hui. »

Le portrait qu'on trace de soi-même est rarement autre chose qu’un panégyrique. A proprement parler celui de la Tsarine n'en est pas un, sion le rapproche de celui que Meilhan a écrit de lui-même. « Mon esprit est un terrain très inégal : il est de plusieurs côtés borné à un point qu'on n’imaginerait pas ; il est dans d’autres parties très étendu. Ce qui distingue mon esprit, c’est son premier élan, c’est la facilité d'atteindre sans effort. Je devine ou n'entends jamais ; je compose et ne peux corriger. Je fais un mémoire, un calcul, une combinaison comme un poëte fait des vers, et comme lui je parais ineple, si je ne suis pas en verve. » Ces lignes suffisent pour juger de la présomption de Sénac de Meilhan. Remarquez avec quelle adresse il trace le tableau de ses facultés : « Je devine ou n’entends jamais... Je parais inepte si je ne suis pas en verve... etc.» Et Sénac s’arrange pour qu’on le croie toujours en verve ! Sa phrase est construite dans ce but : les défauts sont laissés dans l'indéeis et dans l'ombre ; les qualités sont spécifites et mises en relief. .

Catherine II n’a pas ce tour de main. « Il faut cacher ses plaies et dissimuler les grandes impuissances de la vie. » — (Le mot est de Sénac de Meilhan qui ne craint pas de le prononcer à propos de son portrait.) — Certes, cette recommandation est trop élémentaire pour que