Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

NECKER, MIRABEAU, SÉNAC DE MEILHAN 309

Catherine s’y dérobe; elle sait être indulgente pour elle ; mais elle ne s'accorde pas que des louanges, puisqu'elle avoue avoir rencontré des quantités de gens ayant plus d'esprit qu'elle. Il y a là un ton de naïve critique quine manque pas de saveur. Comme Sénac de Meilhan, elle ne craint pas de faire ressortir les mérites qu’elle eroit avoir ; mais combien elle y met plus de réserve ! D'ailleurs, il n’y a pas que de la modestie dans la façon diserète dont elle se fait valoir ; il y a aussi du bon sens dans les jugements qu’elle porte. Elle a l'esprit de préférer l’équité à la justice, et elle a le bon sens de savoir que les peuples ne se gouvernent pas toujours avec l’équité, et que la justice des hommes doit avoir malheureusement le pas sur l’équité naturelle.

Comme on voit, en 1791, au moment même où ellese croyait obligée de surveiller les franes-maçons et deréprimer toute manifestation de libéralisme dans son Empire, Catherine n’hésite pas à se prononcer en faveur des idées d'humanité et d’indulgence. Mais ces préférences ne dépassent pas le papier sur lequel elles sont consignées. Au lieu d'indiquer à celui qui s'improvise l'historien de son règne les mesures répressives qui constituent sa seconde manière, elle se plait à lui vanter son esprit d'équité et son « cœur doux et bon. » Telle elle veut paraître pour affronter le jugement de la postérité. Un point à noter c'est que dans cette lettre la souveraine ne remercie ni ne félicite de Meilhan de son écrit sur Saint-Pierre de Rome. Ce silence n’est-il pas une fine critique ? Pour connaître, d'ailleurs, l'opinion vraie de

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