Colonies pendant la Révolution : la constituante et la réforme coloniale

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du gouverneur, faible et ignorant, et elle se déclara constituée !. Cette usurpation échauffa les esprits. Soldats et habitants de Saint-Pierre s’entraînèrent mutuellement ; deux bataillons du régiment et les canonniers de la brigade d'artillerie s’insurgèrent, en mars 1790, contre leurs officiers, dont deux, les capitaines de Boulet et de Malherbe, furent maltraités et embarqués de force pour la France. Mais les autres troupes formant la garnison de Fort-Royal, devenu le siège de l'Assemblée et du gouvernement, n'ayant pas subi les mêmes influences, se disposèrent à obéir aux ordres reçus et à marcher contre la ville de Saint-Pierre. L’Assemblée coloniale leva même, contre tous les usages, une armée de nègres, libres ou esclaves, dont trois officiers du régiment, avec l'autorisation du nouveau gouverneur, le vicomte de Damas, prirent le commandement. Saint-Pierre se vit menacée et prit l'offensive. Le jour de la Fète-Dieu, la popu-

de la colonie, vous en aurez de mauvaises nouvelles. Le seul remède est de dissoudre cette assemblée d'aristocrates. Ils disent que l'île est peuplée de vagabonds, de coupe-jarrets que la misère a chassés de France. C’est faux! sauf peut-être à Saint-Pierre, où le commerce altire et retient des étrangers, mais une milice municipale suffirait cependant à faire la police. Ils empêchent toute manifestation ou adresse en l'honneur de l’Assemblée nationale. La jeunesse de Saint-Pierre s'étant cotisée pour former un don patriotique, son président a dû se sauver pour ne pas être jeté en prison. » — Le fait que cette lettre se trouve dans les papiers de la Société Massiac indique assez l'usage qu'en a fait Barnave ; il l’a livrée à ceux-là mêmes qui étaient si nettement accusés, et il n’en à tiré aucun parti dans son rapport du 29 novembre.

1. Communication de Moreau de Saint-Méry, T septembre 1790 : — Arch. parlem., XVIII, 646 ; Proc.-verb., n° 404, p. 21, t. NXIX: