Colonies pendant la Révolution : la constituante et la réforme coloniale

LE PREMIER CONTACT 63

être, dit-il, où vous étendrez plus loin votre intérêt; un jour viendra peut-être où, associant à vos délibérations les députés des colonies, vous jetterez un regard de compassion sur ce malheureux peuple, dont on a fait un barbare objet de trafic, sur ces hommes semblables à nous par la pensée et surtout par la triste faculté de souffrir; sur ces hommes cependant que, sans pitié pour leurs douloureuses plaintes, nous accumulons, nous entassons au fond d’un vaisseau pour aller ensuite à pleines voiles les présenter aux chaînes qui les attendent... Ah ! combien de sortes de satisfactions, combien d'espèces de gloires sontréservées à cette suite d'Etats généraux qui vont reprendre naissance au milieu d’un siècle éclairé. Malheur, malheur et honte à la nation française, si elle méconnaissait le prix d’une telle position, si elle ne cherchait pas à s'en montrer digne, si une telle ambition était trop forte pour elle! »

Un langage si animé détonne dans un morceau d'éloquence si froide. Emane-t-il d'un ministre parlant au nom du roi ou bien d’un membre de la Société des Amis des Noirs? Représentation parlementaire, condamnation de la traite, réprobation de l'esclavage, tout y est, et, comme corollaire, la revision du système colonial. Le roi, d'ailleurs, n'est-il pas ouvertement abolitionniste ? On le sait, et les paroles du ministre n'en ont qu’un plus grand reten-

1. On trouve le texte de ce discours dans les Archives parlementaires VIII, dans Le Moniteur, n° 4 (Supplément rédigé en l'an IV par Thuau-Granville) dans l'Hisé. parlem. de la Révolulion de Buchez et Roux, t. I, etc.