Colonies pendant la Révolution : la constituante et la réforme coloniale

LE PREMIER CONTACT 69

tats des prétendues balances du commerce sont entièrement fautifs et insignifiants ? Les meilleurs esprits n'ont-ils pas nié l'utilité des colonies ? En admettant mème cette utilité, est-elle une bonne raison pour exagérer le droit de représentation ? On veut cette représentation proportionnelle au nombre des habitants. Mais est-ce que les nègres et les hommes de couleur libres ont concouru à l’élection ? Les noirs libres sont propriétaires et contribuables, et cependant ils n'ont pu voter. Et quant aux esclaves, ou ils sont des hommes, ou ils n'en sont pas ; si les colons les considèrent comme des hommes, qu'ils les affranchissent, qu'ils les rendent etes et éligibles ; dans le cas contraire, est-ce qu’en proportionnant le nombre des députés à la population de la France nous avons pris en considération le nombre de nos chevaux et de nos mulets? »

Cette logique n’était pas pour plaire aux colons. Elle refroidit leur enthousiasme du 20 juin et leur fit regretter de s'être mis sous la protection de l'Assemblée. Les droits politiques des noirs libres et l'abolition de l'esclavage étaient, dès la première heure, offerts en perspective, préconisés par le puissant orateur qui avait jusqu'alors dirigé la révolution. C'était la guerre déclarée, avec cette aggravation que l'utilité même des colonies était mise en question. De ce moment, les députés coloniaux sentirent qu'ils devaient séparer leur cause de celle de la métropole, dégager leur intérêt des principes, rendre guerre pour guerre à la