Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

126 CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET

se dissipèrent. L’audace et l’effronterie d’un lâche coquin qui attaque un honnête homme est incroyable, mais il est encore plus incroyable que la honte aboutisse à s’enfuir, lorsqu'il se défend, sauf à recommencer l’attaque.

M. Dupont avait écrit contre l’établissement de la Compagnie des Indes. Voyant que M. de Calonne l’emportait, il proposa l'établissement d’une Messagerie des Indes, confiée à un très petit nombre d’administrateurs et qui n’était pas exclusive. Le gouvernement devait faire une vente simulée de vaisseaux de 64, de 50, et de frégates de 40. Ces vaisseaux armés en flûtes ne coûtant rien, la Messagerie aurait pris un droit de fret si modique qu’elle aurait ruiné toutes les compagnies d’Europe. Sous ce prétexte, on aurait fait porter en lest le complet de l'armement de ces vaisseaux, qu’on aurait déposé à l’île de France. On aurait fini par avoir 24 vaisseaux de guerre stationnaires dans la mer des Indes, et, au premier bruit de guerre, ces 24 vaisseaux auraient été armés et joints à la flotte qu’on aurait envoyée de France: on aurait détruit l'empire du Bengale. T1 a prouvé que la Compagnie anglaise n’est point une compagnie de commerce: que c'est une compagnie souveraine qui vend en Europe 320.000.000 de revenus en denrées qu'elle retire de ses possessions en Asie; que le commerce des Indes est funeste et ne doit pas être favorisé; qu’au lieu d’abolir le droit d’indult pour les marchandises qui doivent être consommées en France, il faut porter ce droit d’indult à 7 1/2et 10 p. 100, et en exempter les marchandises pour l'étranger.

M. Dupont faisait le rêve d’un bon citoyen; mais jugez comme on a travesti la messagerie en compagnie des Indes, le petit nombre d'agents qu'il voulait rendre dépositaires de son secret en une compagnie d’agioteurs, et comme on s'est prévalu de ce qu'il avait demandé une place dans cette opération! Jugez quelle friponnerie on avait trouvée dans la vente simulée des vaisseaux du roi