Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

148 CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET

n’était pas celui où il devait manifester un zèle amer. Les processions, les missions, les prières de quarante heures, certaines espèces de sermons seront peu propres, dans ce moment, à inspirer au peuple les sentiments de confiance dont il doit être pénétré. Ces cérémonies religieuses, si elles n’avaient pas pour but, pourraient bien avoir pour suite de nouvelles alarmes et des mouvements populaires capables d’ébranler l’ État. Ce qui s’est passé à Toulouse doit avertir tous les bons citoyens de se préserver de l’'égarement d’un faux zèle, Celui qui aime sa religion aime aussi sa patrie.

Je suis prêtre et citoyen : l'intérêt de ma patrie n’est point différent, à mes yeux, de celui de ma religion. La crainte qu'on ne fasse une funeste distinction entre ces deux intérêts, m'a engagé à vous supplier de soutenir, de vos conseils et de votre autorité, les ecclésiastiques chargés de me remplacer auprès de vous. Je compte sur leur prudence, et sur les habitudes douces et modérées d’une paroisse nombreuse, dont je désire le bonheur et dont je regrette d’être éloigné pendant si longtemps. Je les ai invités à continuer les prières qui ont été faites, sans interruption, pour l’heureux succès des travaux de l’Assemblée nationale. C’eût été se prêter à une juste censure que d'abandonner, même par lassitude, des exercices qu'on eût été accusé de négliger par mécontentement. C'’eût été donner lieu de rendre plus inquiétantes les ordonnances de nouvelles prières. J'ai peine à croire que, dans ce moment, la piété bien entendue permette de publier, d’ordonner ou d'admettre des exercices extraordinaires : ils pourraient avoir lieu sans danger dans bien des endroîits; mais il est incontestable qu'ils pourraient devenir l’occasion, pour une foule de personnes peu instruites ou mal intentionnées, de manifester des sentiments antipatriotiques, et le danger qui en peut résulter est incalculable. Cette considération, ce me semble, doit autoriser à rejeter ces innovations, même