Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

F54 CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET

renverser. Il a paru que les officiers revêtus du ministère public étaient dépositaires d’une partie de la puissance exécutrice. Leur élection a été réglée d’après d’autres principes (1). C’est au nom du roi qu’ils doivent dénoncer les crimes contre les lois, solliciter les jugements et en procurer l'exécution : leur choix a été déféré au roi; mais il faut, pour s'acquitter avec zèle de leurs fonctions, qu’ils soient exempts de la crainte qu’inspire la mutabilité des opinions de la Cour, l'influence des calomniateurs ou des intrigants; il faut qu'ils soient indépendants des caprices des ministres et des haïines de la multitude. Ces officiers seront à vie. On ne craindra point qu’ils abusent du crédit résultant d’un pouvoir conféré à vie, parce qu’ils sont exclus des assemblées municipales, de district, et de département. L'Assemblée nationale, accoutumée à écarter de son sein tous les germes de corruption, n’a pas voulu que ses membres puissent être suspectés d'être dirigés dans leurs opinions par l'espoir d'obtenir ces places. Les membres de l’Assemblée nationale ne pourront être élus à ces places, pendant les quatre premières années qui suivront sa clôture, et les membres des législatures suivantes ne pourront être élus que deux ans après la clôture de leurs sessions. Peu d’assemblées dans le monde auront donné plus d'exemple de désintéressement et d'attention, pour écarter de ses membres tout soupçon de cupidité. Ce n’est pas sans combat que les partisans des anciens abus ont abandonné la prérogative qu'ils réclamaient pour le roi, de choisir les juges, au moins parmi ceux qui lui seraient présentés. On a déployé la ruse, l’éloquence, les clameurs ; on pourrait dire qu'on a combattu avec fureur, et la cause de la liberté n’a eu que cinquante-trois voix de plus que celle du despotisme; et encore, elle doit cette majorité à la lâcheté de quelques êtres équivoques, qui sont sortis pour ne pas répondre à l'appel.

(1) Décret du 8 mai 1790.