Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

170 CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET

peuple est furieux contre le Châtelet, qui aura bien de la peine à arriver sans encombre au bout de sa carrière. Flattés d’abord de leur érection provisoire en cour nationale, les magistrats du Châtelet perdirent la tête quand ils comprirent les vues de l'Assemblée nationale relativement à la régénération totale de l’ordre judiciaire. Ils sont tombés dans ‘un discrédit inquiétant.|

Il est bien malheureux qu’on ne puisse établir assez promptement un ordre de choses qui prévienne tous les mouvements populaires. Quelques insensés donnent aux Tuileries des scènes inquiétantes, soit en refusant de porter la cocarde tricolore, soit en la foulant aux pieds. Un coupable de ce dernier délit fut sauvé hier, à grand’peine, par la garde nationale, qui le conduisit au district; le peuple fit ce qu'il put pour l'enlever, et il aurait été hissé sur-le-champ au premier arbre ou plongé dans un bassin.

Les discussions sur l’ordre judiciaire n’ont rien de satisfaisant. On désespère de rien faire de bien sur cette matière : il règne une espèce de découragement.

Je crains que les habitants de Vernon ne vous donnent de l'inquiétude : c’est demain que tout votre département sera en mouvement, je désire que vos assemblées primaires suivent exactement le plan que vous avez tracé. (Papiers KR. Lindet.)

XCI. — Au même. (Sans date.)

.… 11 m'est tombé l’autre jour, dans les mains, une pièce singulière. Un huissier du district de Louviers, à la requête d’un particulier, a donné une assignation très brillamment libellée à comparaître devant nos seigneurs de l’Assemblée nationale à la barre, à jour fixe, à un curé qui voulait faire son prône à la porte du chœur. On rappela le curé à l’ordre, on voulut qu'il montât à la chaire : le curé interrogea l'assemblée, qui parut consentir, à la majorité,