Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

CONSTITUANTE (5 JUILLET 1790) 201

point. Dans d’autres temps, il faudra que les électeurs apprennent à mieux choisir, et que les hommes nuls ou incapables apprennent à s’abstenir de ce qui peut flatter leurs ambitions. Il faut les abandonner à eux-mêmes, mais le moment n’est pas venu.

[Il craint la guerre... Au premier jour, le ministère nous demandera de délibérer sur la réquisition de l’Espagne.]

Nous aurons bientôt une Constitution ; nous avons du blé; tout peut aller avec la paix : mais mon avis est que la guerre emportera notre blé, notre Constitution, nos assignats, et que les ennemis du dedans nous occasionneront d’effroyables calamités..….

Je reviens à la guerre. Les ennemis de la Constitution la veulent : ils n’ont de ressource et d’espoir que dans la guerre : la noblesse la votera, le clergé, qui ne risque rien à la guerre, qui espère que les biens ecclésiastiques ne seront pas vendus pendant la guerre, la votera. L'Assemblée, qui n’était divisée qu'en deux grandes parties, l'est maintenant en trois. Les patriotes se sont divisés en deux sections : la plus faible dans ses opinions est la plus forte en nombre, et bientôt elle se rapprochera plus du parti de l'opposition que de celui avec lequel elle fait corps. Le décret de la guerre a été emporté par de grands efforts. I1 en faudra, je crois, de plus grands encore pour nous garantir de la déclaration de la guerre. Je ne sais si on osera en faire la proposition avant la confédération. On inondera Paris de brochures, pendant le séjour des gardes nationaux des provinces, pour électriser l'esprit de ces nouveaux guerriers. Il est utile qu’on les prévienne des intérêts et du vœu général de la nation. On dit que Paris fait les décrets de l’Assemblée. Je souhaite qu'il fasse celui-là. (Papiers R. Lindet.)