Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

CONSTITUANTE (6 JUILLET 1790) 203

Anglais de naviguer dans les mers glaciales de l’Amérique, parce que cela déplait aux Espagnols ?

Nous avons combattu, dans la dernière guerre, pour la’ liberté de l'Amérique et pour la libre navigation des mers. Il serait bien absurde qu'après avoir recouvré notre liberté propre, nous voulussions nous battre pour détruire une liberté que le despotisme avait achetée au prix de notre sang et de notre argent. Nous voudrions combattre pour les Espagnols qui nous haïssent, qui nous méprisent, qui viennent de donner des preuves de leurs mauvaises intentions envers la France, et cela parce qu’il leur plaît d'interdire aux Anglais l'entrée des mers qu'ils ne connaissent point, l’accès sur des côtes qui ne leur appartiennent point, le commerce avec des peuples qu’ils n’ont point subjugués, avec lesquels ils n'ont aucune relation. L'Espagne ne peut réclamer la propriété de ces contrées. Puisqu’elle ne les a pas encore dévastées, elle n’en a pas pris possession. L'Espagne réclame le pacte de famille : les rois ont pu se lier les uns aux autres, plus particulièrement, suivant leurs intérêts ; mais les peuples doivent se regarder comme faisant une même famille avec toutes les nations du globe, et la justice seule doit les décider à protéger celles qui sont opprimées. Elles doivent calculer avant tout si elles sont en état de protéger : car personne n’est tenu à l'impôt, Quel est l'intérêt de l'Espagne d’entraîner la France dans cette guerre? La cour d'Espagne veut sans doute distraire ses peuples du projet d’imiter les Français. Elle veut, à la faveur des mouvements de la guerre, mettre la cour de France à portée de reprendre son autorité. C’est la guerre des rois contre les peuples. On pourrait ajouter : c’est la guerre de la noblesse, du clergé, de la finance, de la magistrature, etc.

Si nous abandonnons l'Espagne, les forces combinées d'Angleterre et de Hollande détruiront cette puissance, et nous n’aurons plus d’alliés.