Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

204 CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET

… L'Espagne s’est ménagé l'alliance de la Russie, elle opposera une résistance considérable. On pourrait dire que son alliance nous a peu servi. Si l'Espagne est humiliée, si elle fait des pertes, pourquoi conclure que toutes les puissances se réuniront contre nous pour nous dépouiller, si nous sommes justes, lorsqu'on nous attaquera injustement? Les Francais sentiront que c’est pour eux qu’ils combattent ; ils seront redoutables quand ils approuveront la guerre, quand elle ne sera pas le résultat des intrigues des cabinets et des courtisans. Nous n’aurons plus besoin d’alliés quand nous combattrons pour nos foyers. Les despotes qui nous entourent ne seront guère tentés de conduire leurs armées dans des pays où la raison et l'amour de la liberté sont devenus une épidémie générale.

C’est une belle chose pour nos politiques de voir toute l’Europe embrasée du Nord au Midi, de l'Est à l'Ouest, de classer sur deux lignes toutes les puissances, la Russie, la maison d'Autriche, le Danemark, la France, l’'Espagne contre la Turquie, la Suède, la Prusse, la Hollande, l'Angleterre, la Pologne. Une chose infiniment plus sage et plus heureuse est sans doute de laisser bataïller ceux qui sont emportés par la rage des combats, et de continuer tranquillement à reprendre les forces .qu'on a perdues et à réparer son épuisement. La France perdra, dit-on, sa considération et son influence dans les' affaires de l'Europe, parce que quelque négociateur ne gagnera point des millions à fabriquer des traités, tandis que la nation perdrait des milliards et des flots de sang. N'influons jamais à ce prix.

La flotte combinée d'Angleterre et de Hollande est de cinquante vaisseaux : vingt-cinq vaisseaux de ligne et dix frégates anglais ; dix vaisseaux de ligne et cinq frégates hollandais. Cette puissance formidable va s'opposer à la jonction des escadres russes et espagnoles. Il est à craindre que les têtes françaises ne s’électrisent; on s’effor-,