Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

CONSTITUANTE (21 SEPTEMBRE 1700) 221

l’ange tutélaire de la France veille sur'elle.. Une récolte abondante garantit le bas prix des subsistances. Ce ne sont plus les agents corrompus du fisc qui veillent sur la conservation des denrées de première nécessité dans le royaume. Ce sont les citoyens qui sont armés pour empèêcher l'exportation ; que le blé passe d’une halle dans une autre, d’une province dans la province voisine, cela est juste, parce que tous les Français doivent vivre; cela est nécessaire, parce qu’il fautpourvoir à l’approvisionnement de nos flottes. Mais on ne doit pas craindre la cupidité des accapareurs. Quels qu’ils soient, que peuvent-ils espérer? Ils n’exporteront pas nos grains, parce qu'il faudrait supposer que tous les habitants des frontières nous trahiraient, et ils ont donné des preuves éclatantes de leur patriotisme. Tant que le blé sera concentré dans le royaume, il n’y a pas lieu de craindre le renchérissement. I1 serait bien important de convaincre le peuple que les inquiétudes qu’on lui communique viennent de la part de ses plus cruels ennemis; ils savent que la crainte de la disette et de la cherté agira puissamment sur les esprits; elle portera les ouvriers, les peuples à la défiance, à l'insurrection; les habitants des campagnes déserteront les marchés, et on attirera le malheur qu’on redoutait par les moyens mêmes employés pour l’écarter. Le bonheur public consiste dans l'harmonie entre les habitants des villes et des campagnes. On veut armer les.uns contre les autres. On veut exciter la cupidité des habitants des campagnes en leur faisant entrevoir la possibilité d’une cherté. On veut irriter les habitants des villes en leur rappelant les extrémités auxquelles ils ont été réduits l’année dernière.

Les habitants des campagnes doivent montrer assez de patriotisme pour ne pas former des spéculations sur la ruine de leurs frères; ils doivent être assez sensés pour juger qu'ils ne doivent pas s'exposer à leur désespoir.