Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

222 CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET

Les habitants des villes doivent être assez sages pour ne pas se livrer à de vaines terreurs, à de funestes impressions dont le but est de les égarer, de les engager à rompre tous les liens de la subordination, à troubler le bon ordre, et à se rendre coupables pour autoriser à déployer contre eux les forces militaires.

On veut que le peuple se soulève pour justifier qu'il n’est pas digne de la liberté, pour prouver qu'il ne peut pas être gouverné par les lois sages, douces et humaines tracées par l’Assemblée nationale, qu’il est indocile à la voix de la raison, qu'il faut l’assujettir à des lois dures, cruelles et inhumaïnes, et qu’il faut courber la tête sous un joug de fer. On espère que le peuple soulevé s’attirera tant de calamités, commettra tant de désordres, se souillera de tant d'horreurs que, fatigué de sa liberté, il implorera luimême ses anciens tyrans, et les priera de lui rendre ses chaînes.

Voilà le cruel espoir de ceux qui étaient accoutumés à vivre des sueurs du peuple. Aujourd'hui ils veulent s’abreuver de son sang. (Papiers KR. Lindet).

CXXIV.— À R. Lindet. Le 22 septembre 1790.

Une lettre anonyme, adressée de Rouen, donne des renseignements sur un projet qui inquiéterait, s'ilexistait des têtes assez bien organisées pour l’exécuter. Ils'agit, dit cette lettre, d'enlever le roi, de l’engager à se retirer à Rouen. On travaille le peuple de cette ville; on est sûr des régiments; 3,000 gentilshommes ont souscrit et serviront de garde au roi, jusqu’à l’arrivée des régiments sur lesquels on compte. Le Parlement rentrera dans ses fonctions, le roi tiendra son lit de justice. On aura emmagasiné une grande quantité de blé; on vendra le pain à un sol la livre; l’armée se répandra dans la province et lui prescrira l’obéissance. On ordonnera de nommer de