Correspondance diplomatique de Talleyrand. La mission de Talleyrand à Londres, en 1792 : correspondance inédite de Talleyrand avec le département des affaires étrangéres le général Biron, etc.

66 MISSION DE TALLEYRAND

Monsieur, ombre de contradiction. Je le répète, les dispositions sont plus que rassurantes, sont même bonnes, et pourtant il convient d'employer quelques moyens imposans pour du moins en accélérer l'eflet ; je vois ici une double disposition assez naturelle, surtout dans un pays commerçant. L’Angleterre tient à ce que nous vivions bien, même, je crois, à ce que nous vivions mieux ensemble. Elle y voit justice pour le présent, bonne politique, intérêt pour l'avenir. Mais comme aussi en ne se mêlant de rien, en nous laissant à nos propres moyens pour nous tirer de nos embarras, elle pourrait et conserver l'espoir d’être un jour bien avec nous et tourner en attendant à son profit sous plus d’un rapport jusques à nos troubles mêmes, il est clair qu’elle aimera mieux renvoyer à demain que faire aujourd’hui; en un mot, rester neutre quese direneutre; et c’est pour l’amener à la neutralité déclarée qu'il faut une bonne contenance de force vis-à-vis d'elle; il faut aussi une manifestation de volonté sur laquelle on ne puisse pas se méprendre; enfin, l'attitude complète d'une nation qui veuf, qui peut et qui ne sépare jamais le sentiment de son droit de celui de sa force. Surtout qu'on ne montre pas un état de fluctuation et d'incertitude, ces demi-volontés du découragement ou du regret qui ont fait dire que nous-mêmes ne croyons pas encore être une nation, qu’à nos propres yeux la constitution n’était point encore assurée, qu'elle restait en litige jusqu’à la fin de nos troubles; que ceux qui gouvernaient avaient paru plus d’une fois, par leur irrésolu-