Correspondance diplomatique de Talleyrand. La mission de Talleyrand à Londres, en 1792 : correspondance inédite de Talleyrand avec le département des affaires étrangéres le général Biron, etc.

À LONDRES, 81

Dans toute autre circonstance, j'avoue que j'aurais demandé hautement l'explication de cette conduite et que, sur le refus d’une satisfaction, je serais peut-être parti sans prendre congé, bien sûr que le Roi aurait appris à la cour de Berlin qu’elle doit traiter son ministre avec plus d’égards; mais le but de ma mission était la paix; je ne voulus pas aigrir : j'aurais servi ceux qui veulent la guerre. J’évitai donc tout éclat, et jé me contentai d’avoir une conversation confidentielle avec un des ministres qui me témoignaient quelque intérêt, et demander non ministériellement, mais particulièrement, quelle était la cause de la conduite inattendue qu'on tenait à mon égard. Il me dit que, comme ministre, il n'aurait pas répondu, mais que comme particulier il m’avouerait que mes anciennes négociations avaient aigri le Roi de Prusse contre moi; que je m'étais permis des personnalités qui l'avaient blessé et que, pour cette raison seule, le choix qu’on avait fait de moi lui était désagréable.

Je crus d’abord ce qu’il me disait, et, sacrifiant mon amour-propre au bien des affaires, je dis au ministre que j'espérais faire revenir le Roi de ses préventions et lui prouver qu'on m'avait calomnié; que j'avais autrefois fait mon devoir en négociant contre ses intérêts; mais qu'assurément je n'avais jamais parlé de lui qu'avec le respect qui lui était dû, et je le quittai en espérant que cette démarche suffirait pour changer les dispositions du Roi.

Mais j'appris bientôt que ma porte était assiégée

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