Correspondance diplomatique de Talleyrand. La mission de Talleyrand à Londres, en 1792 : correspondance inédite de Talleyrand avec le département des affaires étrangéres le général Biron, etc.

82 MISSION DE TALLEYRAND

d’espions de police, que les Français qui venaient chez moi étaient notés à la police. M. Jarry arriva et fut renvoyé. Je vis bien qu'il y avait à tout cela d’autres causes que j'ignorais.

J'eus encore d’autres entretiens avec le ministre qui me témoignait de l'amitié. Je tâchai de léclairer sur le but simple et pacifique de ma mission. Je cherchai dans mon imagination tout ce qui pouvait occasionner ces injustes préventions du Roi; à la fin, il me confia l'affaire de Strasbourg et quelques craintes sur des agents secrets. Je sus par d’autres voies qu'on me supposait d'étranges instructions.

Alors, Monsieur, je fus vraiment indigné, je vis que la méchanceté et la crédulité ôtaient tout moyen de triompher du mensonge, et je vous pressai vivement de me donner un successeur.

Je dis non pas ministériellement, mais en confidence, à un ministre que je savais que j'étais personnellement désagréable au Roi, que je vous l'avais écrit, que j'avais demandé un congé, mais que j'espérais que le Roi n’oublierait pas, pendant mon séjour, que jétais ministre de Sa Majesté Très Chrétienne ; qu'au reste, j'espérais qu'on rougirait un jour des fourberies dont on avait été la dupe.

Depuis ce moment, la circonspection de ma conduite, mes discours et mes liaisons ont un peu déjoué les projets de mes ennemis et m'ont aidé à attendre avec décence mon successeur, et je crois que d’après ces détails que je vous prie de tenir secrets, le Roi trouvera