Correspondance diplomatique de Talleyrand. La mission de Talleyrand à Londres, en 1792 : correspondance inédite de Talleyrand avec le département des affaires étrangéres le général Biron, etc.

378 MISSION DE TALLEYRAND

faveur de notre cause, il est inutile sans doute de les recommander à votre sagacité et à votre zèle.

Vous observez avec raison qu’il serait nécessaire que vous concertassiez vos démarches avec notre ministre de la cour de Berlin, et qu'il y eût entre vous et lui une correspondance suivie. Ce projet de correspondance

qu’il y faudra soumettre par la force; où la prendra-t-on? Et d'un autre côté, plus elles seront libres, et plus inévitablement la Pologne sera replongée de nouveau dans l'anarchie, pour finir de nouveau par la conquête. C’est qu'il y a dans ce pays comme deux peuples pour lesquels il faudrait deux institutions qui s’exeluent l’une l’autre. Ne pouvant faire que ces deux peuples n’en soient qu'un ni créer le seul pouvoir qui pût concilier tout, ne pouvant d'un autre côté, sans un péril évident pour l’Europe, donner toute la Pologne à la Russie (et ce serait la lui donner que d'ajouter la totalité du duché de Varsovie à ce qu’elle possède déjà), que peut-on faire de mieux que de remettre les choses dans l’état où elles avaient été par le dernier partage? Cela convient d'autant plus que cela mettrait fin aux prélentions de La Prusse sur le royaume de Saxe; car ce n'est qu’à litre de compensation pour ce qu’elle ne conserverait pas dans l'hypothèse du rétablissement de la Pologne, qu’elle ose demander la Saxe presque tout entière.

« L'Autriche demanderait sûrement qu'on lui compensät les cinq millions de sujets que contiennent les deux Galicies, ou si elle ne le demandait pas, elle en deviendrait bien plus forte, bien plus exigeante dans toutes les questions d'Italie.

« Tout me ramène à penser, Milord, que la proposition de rétablir tout en Pologne (sauf quelques reclificalions de frontières) sur le pied du dernier partage, est la seule idée admissible.

« En restant partagée, la Pologne ne sera pas anéantie pour toujours, les Polonais parviendront, sous des dominations étrangères, à l'âge viril auquel ils n’ont pu arriver en neuf siècles d’indépendance, et c’est la seule manière de les rendre tout à fait européens.

« Je vous assure qu'il y a plus de vraie philanthropie dans la lettre que j'ai l'honneur de vous écrire que dans tout ce que j'entends dire sur ce sujet depuis que je suis à Vienne.

« Je vous demande pardon, Milord, de vous écrire une lettre