Correspondance diplomatique de Talleyrand. La mission de Talleyrand à Londres, en 1792 : correspondance inédite de Talleyrand avec le département des affaires étrangéres le général Biron, etc.

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balance de la neutralité pencher quelquefois du côté de la République française. Il est vrai que cette neutralité a été comprise ou du moins exercée par l'Angleterre envers l'Amérique d’une manière qui approche extrêmement de l’hostilité ouverte.

Puisqu'il est reconnu impossible de conquérir l'Amérique, ruiner son commerce est à peu près le plus grand mal que la Grande-Bretagne eût pu lui faire, et, à cet égard, une guerre franche et déclarée n’eût pas été beaucoup plus efficace que les mesures adoptées par votre gouvernement, et aurait été moins perfide. Il faut plus de temps et de réflexion que n’en emploie un voyageur ordinaire pour découvrir que, malgré ces circonstances, l'Amérique est cependant tout anglaise : c’est-à-dire que l’Angleterre a encore tout avantage sur la France pour tirer des États-Unis tout le bénéfice qu'une nation peut tirer de l'existence d’une autre nation.

Pour qu’une nation soit utile à une autre nation, et lui fasse tirer profit de son existence, il faut deux choses : il faut qu’elle le veuille, et il faut qu’elle le puisse.

Or, je soutiens que c’est à l'Angleterre beaucoup plus qu'à la France que les États-Unis d'Amérique veulent et peuvent être utiles.

La volonté qu'ont les Américains d’être utiles à l'Angleterre par préférence à la France, porte sur les deux seules causes qui peuvent produire une telle volonté : l'inclination et l'intérét.