Correspondance diplomatique de Talleyrand. La mission de Talleyrand à Londres, en 1792 : correspondance inédite de Talleyrand avec le département des affaires étrangéres le général Biron, etc.

A LORD LANSDOWNE. 295

L'inclination des Américains est en faveur de l’'Angleterre. Cette proposition semble d’abord être un paradoxe. Des difficultés qui ont produit une guerre civile horriblement cruelle ! Quel aliment pour une inclination réciproque! Sans doute : mais ces difficultés sont finies et ne peuvent plus reparaître : cette guerre n’est plus : de longs ressentiments ne subsistent point quand on à vaincu. L’orgueil satisfait ne réserve point de longs désirs de vengeance. D'ailleurs, l'Américain est peutêtre le peuple de la terre qui connaît le moins les passions, et qui est le moins gouverné par elles; et chez un tel peuple, les sentiments et les inclinations ne sont que des habitudes. Or, toutes les habitudes de l'Américain font de lui un Anglais et le constituent tributaire de l'Angleterre avec une force de nécessité qu'aucune déclaration ou reconnaissance de son indépendance ne saurait surmonter.

La seule similitude de langage constaterait le droit de propriété de l'Angleterre sur toutes les inclinations des Américains d’une manière irrésistible. Elle place entre les hommes de ces deux pays un caractère commun qui les fera toujours se prendre lun à lautre et se reconnaître. Îls se croiront mutuellement chez eux quand ils voyageront l’un chez l’autre, échangeront avec un plaisir réciproque la plénitude de leurs pensées et la discussion de leurs intérêts, tandis-qu'une barrière insurmontable est mise entre les peuples de

langage différent qui ne peuvent prononcer un mot