Correspondance diplomatique de Talleyrand. La mission de Talleyrand à Londres, en 1792 : correspondance inédite de Talleyrand avec le département des affaires étrangéres le général Biron, etc.

438 LETTRES DE TALLEYRAND

C’est à elle aussi qu’elle peut l'être.

Rien n'est plus nécessaire à l'Angleterre que de trouver des consommateurs pour le produit de ses manufactures. Sa puissance est assise sur une base étroite. Elle a besoin de correspondre avec un marché extérieur immense pour répondre à l'étendue de sa dette et de sa dépense. Qui peut done la servir mieux qu'un pays de quatre millions d'hommes dont la population se double en quinze ans, et qui, par toutes les circonstances, est encore très loin d’avoir à soi des manufactures? Tout s’y oppose. Le haut prix de la maind'œuvre qui va toujours croissant, limperfection des matériaux premiers, comme la laine et le lin ; le caractère indolent des habitants qu'un travail de peu de jours par semaine fait jouir d'autant d’aisance qu'ils en désirent; enfin, l'espèce de répugnance qu'ils témoignent généralement à louer leur travail et à travailler sous les ordres et pour le compte d'autrui. Toutes ces circonstances s'expliquent facilement par l'abondance et le bon marché des terres, et cette cause n’est pas prête à cesser. Ainsi, de longtemps, l'Amérique ne cessera d'être un marché pour tout ce qui se fabrique en Angleterre. On ne se fait pas d'idée du nombre d'articles qui s’importent et de la singularité de quelques-uns. Depuis les ferrures des habitants les plus communs jusqu'aux extravagances les plus chères de la mode’, il n’y a rien que l'Angleterre n’envoie :

1 Un chapeau de paille d'Italie coûtait, à New-York, de quatre à cinq cents francs.