Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)
22 GORRESPONDANCE DE LA FAYETTE représentation extérieure et sans l’écrasant travail politique dont il n'eut pas la confidence ni la perception. D’autres analogies avec le grand homme et son entourage confirmèrent La Fayette dans ses propres dispositions. Washington n’était pas un démocrate, et, quoiqu'il repoussât avec horreur la proposition qui lui fut faite en 1782 de placer la couronne royale sur sa tête, il vit d’un mauvais œil, ainsi que beaucoup d'Américains, la diminution et la destruction de la royauté en France. Son lieutenant, Hamilton, écrivait à La Fayette, en 1798 : « J'avoue que mes sentiments diffèrent des vôtres. La suspension du roi et les massacres de septembre m'ont guéri de toute sympathie pour la révolution française; je n'ai jamais cru qu'on pût faire de la France une république, et je suis convaincu que cet essai, tant qu'il se prolongera, ne peut amener que des malheurs. » (IV, 410; cf. lettre LV.) Quant à Washington, il appartenait de cœur et de conceptions à cette riche bourgeoisie virginienne où de grands propriétaires étendaient leur influence sur les terres à esclaves, maintenaient le droit d’aînesse et dotaient largement l’Église. Sa raison calme repro_ chait à la démocratie les impulsions sentimentales et le besoin de discuter : « De tous les vices du gouvernement démocratique, dit-il, le plus grand, peutêtre, c'est qu'il faut toujours que le peuple sente avant de consentir à voir. » « Sous un gouvernement libre et républicain, comment réprimer la voix de la multitude ? Chacun veut parler comme il pense, ou plutôt sans penser; chacun veut juger des effets sans considérer les causes?. » C’est au nom d’un exclusivisme bourgeois qu’il veut choisir les officiers de l’armée :
1. Sparks, Washington's Writings, t. IX, p. 236. 2. In., t. VI, p. 49.