Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

CORRESPONDANCE INÉDITE 271

des fenêtres grillées. Mon logement recoit le jour par des soupiraux barrés en fer dans un mur de huit pieds d'épaisseur; la terre du rempart qui est sur ma tête en est séparée par une voûte et un entresol, et mon plafond est nécessairement très bas. Mais ce logement est beaucoup plus long que celui de Magdebourg; il forme une espèce de corridor divisé en deux parties, que M. le commandant a pris sur lui de faire garnir de planches très propres. Mes deux domestiques communiquent avec moi pendant le jour, et je puis me promener dans la petite cour avec les officiers de garde.

Quoique ce genre d'habitation soit peu salubre, et que le climat de Neisse soit le plus malfamé d’Allemagne', je suis toujours passablement content de ma santé. Je ne pus pas, en partant de Magdebourg, parler à mon médecin, et celui qu'on m'avait donné ici ne sait pas le français, et n'a dit qu'il avait oublié le latin. Il m'a semblé que cette méthode d'étudier l'allemand pouvait être dangereuse, et je me suis livré de bonne grâce et jusqu'à présent avec succès au combat singulier qui s’est établi entre mon tempérament et ma situation.

J'ai eu depuis quelque temps le plaisir de voir Mme Ja commandante, qui est de famille française, ainsi qu’un colonel de cette garnison. Mais toutes les autres personnes avec qui je puis avoir des rapports ne parlent qu'allemand, et comme je n’apprends pas cette langue, comme on dit, en m'amusant, j'y ai fait d'autant moins de progrès que jefn'ai pu encore obtenir ni grammaire ni dictionnaire. Il est vrai qu’à l'exception d’une douzaine de livres qu’on m'a prêtés,

1. Les mots soulignés ont élé rayés par le commandant, et le plus a élé remplacé ou surchargé par érès.