Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

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la même fatalité m'empêche de recevoir aucun de ceux que j'avais demandés; mais je lis les gazettes de Leyde, de Berlin et de Hambourg. Je ne puis, au reste, que me louer du commandant et des officiers préposés à ma garde. Ma captivité, le choix de ma demeure, mon régime et mon isolement ne dépendent pas d'eux. Hier au soir encore, en réfléchissant à cette chaine de postes et de factionnaires qui s’égosillaient autour du fort, aux convenances de ce fort lui-même sous tous les rapports de prison d'État, à la grand’garde, à la petite garde, et à toutes les sentinelles, précautions et prohibitions appropriées à ma personne, en y réfléchissant, dis-je, dans ma loge souterraine, entourée de mes cinq sentinelles et de mes quatre réverbères, je me disais néanmoins que les exécuteurs de ces instructions, et nommément M. le major Hanf’, s'en acquittaient avec des égards qui témoignent leur propre bienveillance.

Un mot de plus sur vos inquiétudes, mon excellente amie : je conviens que ce climat est mauvais, et sous ce point de vue je dois souscrire à ma séparation d'avec Maubourg. Mais ma santé ne s’en ressent point. Ma nourriture est saine, ma vie très réglée, ma volonté de me bien porter très énergique, et je puis vous assurer que ma constitution surmontera tous Les obstacles de ce genre.

Les nouvelles que vous me donnez de Chavaniac sont, dans la crise actuelle de la France, les moins mauvaises que je pusse attendre. Je suis cependant tourmenté du séjour de M" de La Fayette à Brioude”. Il serait impossible de l’en tirer sans ses enfants, mais que je serais heureux de savoir toute ma famille

1, Cf. lettre X, p. 225, n. 8.