Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

CORRESPONDANCE INÉDITE 273

en Suisse! Il me semble qu’outre la protection qu’elle trouve dans l'affection publique, elle aura dans M. Jefferson une sauvegarde plus imposante pour les tyrans jacobins. Il pourrait la réclamer, la conduire à la frontière, et son caractère public et personnel me répond doublement de ses soins. Vous me reparlez d'écrire à ma femme; mais le risque de la compromettre est au-dessus de mes forces. Je m'en rapporte à vous, à sa sœur’, pour la tranquilliser. Sa dernière lettre était celle où elle assurait que la nouvelle que je voyais quelquefois Maubourg lui avait fait plus de bien que la réception même de mon billet. Chargez-vous donc, ma chère amie, d’écrire à ma malheureuse tante, à ma femme, à mes enfants, que je me porte bien, et que l'espoir de vous embrasser, si doux, si consolant pour moi, doit aussi soutenir leur courage.

J'attends impatiemment la lettre de ma femme, et comme M° de Maisonneuve est à Glatz, je dois la recevoir bientôt. Mais je me garderai bien de lui répondre à Paris. Mandez-lui que je vis; elle saura que je l'aime, que je la plains de toute mon âme, que je suis sans cesse occupé de ses sentiments, de ses malheurs, de son excellente tante et de mon inexprimable, éternelle tendresse. J'ignorais l'emprisonnement de la famille La Rochefoucauld. Cette nou velle, si aflligeante pour mon attachement aux parents de mon malheureux ami, m’a fait d'autant plus d'horreur que, parmi les atrocités de la tyrannie actuelle, il n'y en a pas de plus exécrable que la proscription de cette maison, qui fut toujours le sanctuaire de la liberté, de l'humanité, de toutes les vertus. Peut-être

1. Me de Montagu, alors en Suisse chez Mme de Tessé. Cf. notice sur Ja lettre XLIIT.

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