Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

274 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

l'influence politique de M. Jefferson, notre ami commun, en pourra-t-elle sauver les respectables restes. Je suis bien vivement occupé de M" de Poix"; elle fait bien de réclamer ouvertement la succession de son père. Vous me mandez, quoiqu'on ait fait beau jeu à mes calomniateurs, que tous les honnêtes citoyens de France me bénissent et me regrettent. Je suis bien touché de leurs sentiments, et beaucoup plus de leurs malheurs : puissent-ils se rappeler que la résistance à l'oppression, quelque nom qu’elle ait usurpé, est toujours un devoir! Et quelle barbare, infàme oppression, que celle dontils sont écrasés! Les derniers articles de Londres, du 9 mars, m'apprennent que M. Jefferson doit y passer; communiquez-lui mes lettres, ainsi qu'à M. Pinkney, et joignez-y l'expression de mon vif attachement et de tous les sentiments que je leur ai voués. Je désire bien que les mêmes témoignages parviennent à lous mes amis américains et anglais que je n'ai pas besoin de vous désigner. Il est des hommes dont l'estime et l'intérêt dédommagent bien des plus rigoureux traitements, car ils pénètrent une région de l'âme à laquelle ceux-ci ne sauraient atteindre.

Je n’abuserai pas de la complaisance de M. le major de place, dont les yeux ne doivent pas quitter ma plume, et je finis cette lettre, trop longue peut-être pour la liberté qui n'est accordée, mais beaucoup trop courte pour les sentiments que je voudrais exprimer. Personne n’a, sans doute, la prétention de me faire dire ce que je ne pense pas; mais ce serait de ma part une prétention non moins ridicule que de ne pas conformer celte correspondance aux conditions qu'on lui impose. Je crois donc, comme vous,

1. Cf. lettre XV, p. 255, n. 2.