Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

CORRESPONDANCE INÉDITE 291

pourrez avoir un ou deux relais de chevaux sur la route, que personne n'aura l'idée ou l'audace ou le désir de nous faire obstacle; et avant que le lent général allemand sache ce que nous faisons ou ce qu'il doit faire, nous serons en sûreté. Mes amis Maubourg et Pusy en sont convaincus. C’est pour cela que j'ai demandé à me promener en voiture et qu'ils ne l'ont pas demandé pour eux-mêmes, afin que je puisse sortir tous les jours permis. Plus le projet est audacieux, plus il est inattendu, et plus il doit réussir, Et nous pouvons dire avec le poète que « la présence d'esprit et le courage dans le danger font plus que les armées pour obtenir le succès ».

Faites attention de ne pas me confondre avec Beurnonville ou Bancal. Ils se promènent les jours où je ne sors pas, le premier à une heure et demie, le second à quatre heures. Je voudrais que vous puissiez me procurer des pistolets de poche pour le moment où je serai à cheval. Jusque-là je n’en ai pas besoin, et le sabre du caporal sera plus que suffisant. J'espère ardemment un signal de départ, mon cher ami, et serai prêt n'importe quel jour pour l'exécution.

Je vais vous devoir mille fois plus que la vie; mais ne laissez pas échapper cette excellente occasion! Tout autre moyen a des dangers; celui-ci est certainement immanquable. Je suppose même que ces fonctionnaires-ci nous laissent la porte ouverte, qui sait ce qu’on peut devant elle? Adieu, mon cher ami; je voudrais que vous puissiez comme moi connaître les deux hommes qui m'accompagnent. Écrivez, si vous le pouvez, par le docteur. Je puis encore jeter de voiture une lettre; mais, quel que soit le jour où vous tenterez le coup, mardi prochain ou tout autre jour après, je serai prêt. Adieu.