Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

292 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

Lerrre XXXI (SEGRÈTE).

De La Tour-Maubourg à Pillet et à Masson.

Olmütz, le 5 mars 1796.

Pour bien juger, mon cher Pillet, la joie que nous avons de votre retour en Europe, il faudrait que vous eussiez été témoin des regrets des embastillés en apprenant que vous les aviez devancés dans ce pays de liberté, où ils ne seront jamais aussi tôt qu'ils le désirent.

Il serait contre la coutume qu'une lettre de prisonnier ne contint pas quelques détails des agréments (comme dit l'empereur) dont sa munificence nous fait jouir dans les cachots d’Olmütz ; et d’ailleurs le public est si mal informé, par le soin qu'on a d'égarer son opinion sur le traitement qu'on nous fait éprouver, et sur l'influence qu’il a eue sur nos santés, que ce rabächage ne sera pas entièrement déplacé. Nous sommes tous si mal portants que, quel que puisse être le séjour que nous ferons encore ici, je n'oserais affirmer que nous en sortirons tous les sept. La Fayette, qui a été mourant l'hiver dernier par la cruelle incertitude où on avait l’ordre précis de le laisser sur le sort de ce qu’il avait de plus cher, et par l'inquiétude où l’on se plaisait à l’entretenir sur celui de ses libérateurs', dont on lui promettait le supplice prochain et l'exécution sous sa fenêtre, se trouve à présent, grâce à leur délivrance et à sa réunion avec sa famille’, le plus fringant de tous, ce qui n’est pas beaucoup dire.

1. Bollmann et Huger furent condamnés à six mois de travaux forcés,

de décembre 179% à mai 1795. 2. Octobre 1795.