Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

CORRESPONDANCGE INÉDITE 293

L’'évasion de La Fayette! n’a rien changé pour Pusy et moi, parce qu'il n’est pas possible de rien ajouter aux rigueurs que nous éprouvons. Elle a privé La Fayette de la promenade dont nous n'avions jamais joui, et du service de son domestique qu'on a refusé même à ces dames. Je conviens que nos fers ne sont pas immédiatement appliqués sur nos personnes comme l’étaient ceux de Trenck. J'avoue que nous sommes plus largement nourris qu'il l'était, qu'au lieu de nous laisser dormir sur la pierre, S. M. Impériale a bien voulu nous faire donner de la paille, et qu'en nous enlevant presque tous nos petits meubles, on a pourtant eu la condescendance de nous laisser le matelas qu'heureusement chacun de nous avait eu la précaution d'apporter de Prusse. Mais, Trenck excepté, je défie qu'on cite d’autres prisonniers plus indignement traités que nous le sommes. Ne serait-il pas mille fois préférable d'avoir l'incommodité des fers et de respirer en plein air? Pour moi, je n'entends jamais le bruit des chaînes des hommes destinés aux travaux publics, sans éprouver un mouvement de jalousie.

Je ne sais si, comme on l’assure, les dix livres sterling que M. Pitt paye, dit-on, par jour pour la pension de chacun de nous, se réduisent en passant par les coffres impériaux à six florins, mais il est certain qu'excepté de nourriture nous manquons de tout. Cette nourriture même est presque toujours immangeable par l’excessive malpropreté, surtout pour des gens qui n’ont que les doigts pour en séparer les corps étrangers qui y abondent. Vous demanderez à quoi bon nous priver de fourchettes et de couteaux.

1. 8 novembre 1794.