Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

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Nous avons aussi fait la même question; ona répondu à La Fayette que c'était de crainte qu'il m’attentât à sa vie; à quoi il a répondu qu'il n'était pas assez prévenant pour cela. M. Pitt, à qui nous coûtons si cher et qui aime si tendrement La Fayette, devrait être bien surpris de nous voir si déguenillés, passant l'hiver en culottes de toile, et d'apprendre que, la décence forçant cependant de renouveler quelques vêtements de La Fayette depuis qu'il n’est plus seul, on lui a donné veste et culotte de bure, en disant que le drap coûtait trop cher pour lui. Ces dames, excepté qu'’elles payent leur dépense, éprouvent les mêmes traitements dans toute leur rigueur. Depuis quelques jours on y a joint l'agrément de plus de les priver de leur correspondance avec leurs parents et amis que jusqu'ici on avait permise. Je pourrais remplir quatre pages des recherches de barbarie, des procédés brutaux d'un major de place qui est notre geôlier en chef. Je me contenterai de vous citer un trait qui vous fera juger combien il est digne de la marque de confiance qu'on lui a donnée. S’étant apercu que Félix tirait quelque amusement d'un petit jardin qu'il avait trouvé moyen d'établir sur sa fenêtre, il n’a attendu pour le pousser dehors avec sa canne que le moment où les fleurs, étant épanouies, donnaient quelques jouissances au prisonnier. Du reste, dans ses rapports avec nous, il joint à la brutalité naturelle de son caractère toute la grossièreté d’un homme sans éducation.

Ce peu de mots suffit pour donner une idée des agréments du séjour où, par une honorable prédilection, la haine de tous les ennemis de la liberté nous retient, seuls de tous les Français’.

1. Les quatre commissaires de la Convention, Camus, Quinette, La-