Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

CORRESPONDANCGE INÉDITE 295

Mais, en même temps que nous jouissons avec plaisir de la distinction qu'on fait de nous à des intrigants de tous les partis, nous ne renonçons pas aux arguments qu'elle fournit pour faire cesser une captivité dont la prolongation ne peut être que dommageable à la cause de l'humanité et funeste pour nous. Ne perdez pas de vue que, La Fayette ayant toujours été lui-même fidèle à la dignité de son caractère, on ne peut le servir d’une manière qui lui convienne que par la vérité, sans complaisance pour des manières de voir qui ne sont pas les siennes, et surtout sans condescendance pour les préjugés des persécuteurs. Vous savez que si nous avions voulu, à Namur, donner à M. de Lambese les renseignements qu'il était chargé de nous demander, cette lâcheté aurait pu nous procurer des passeports. Vous saurez que de plus il n'a tenu qu'à nous, en donnant des conseils contre la France, d'obtenir des adoucissements qui, à en juger par ce qui s’est passé à l'égard de Lameth', nous auraient vraisemblablement conduits à une entière liberté. Ce n’est pas que je veuille assurer que la justice qu'on lui a rendue en séparant sa cause de la nôtre, il y a deux ans, prouve qu'il a donné ces conseils funestes à la France qu'on avait osé espérer de nous. Il est bien plus simple de regarder sa délivrance comme l'effet des services qu'il a rendus au gouvernement anglais au commencement de la Révolution par ses soins désorganisateurs, et à la fin aux Autrichiens par les mesures inconstitutionnelles que, de concert avec eux, il a suggérées à la marque, Bancal, avec le ministre de la guerre Beurnonville, livrés le 2 avril 1793 par Dumouriez à l'Autriche, détenus successivement à Maëstricht, Coblentz, au Spielberg (Brunn), avaient précédé à Olmütz La Fayette

et ses amis. Ils furent échangés à Bâle en 1795 contre la fille de Louis XVI. 1. Alexandre Lameth avait été libéré en mars 179%.