Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

CORRESPONDANCE INÉDITE 297

aux devoirs du bon citoyen, à leur éloignement de tout ce qui était faction, intrigue, désordre, pendant que les désorganisateurs de tous les temps, de tous les partis, sont remis en liberté?

Pour ne parler que de La Fayette, il est certain que la source de la haine contre lui remonte bien haut. Ce sont de grands torts, auprès des ennemis de la liberté, d'avoir épousé la cause américaine lorsqu'elle paraissait désespérée, d'avoir été en Amérique et en Europe un des principaux et peut-être l’instrument nécessaire de succès, et d'avoir eu le bonheur de se trouver un des chefs de cette révolution vertueuse qui a laissé à ses ennemis tous les lorts, toutes les injustices, toutes les barbaries, ce qui, en assurant dans cet hémisphère le bonheur des peuples fondé sur la justice et l'humanité, a fait aimer dans celuici la liberté et l'a rendue plus désirable à tous les opprimés. Sans doute si Washington, La Fayette et tous les autres chefs américains avaient été des tyrans, s'ils avaient régné par des supplices, si, au lieu d'assurer leur succès par des talents militaires et d'habiles manœuvres, ils avaient prodigué le sang de leurs troupes et le peu de ressources que l'Amérique offrait, ils se seraient rendus très agréables aux ennemis de cette révolution qui, avec les faibles moyens qu'ils avaient, n'auraient sûrement pas réussi. Mais qu'y aurait gagné le peuple anglais? Pas plus qu'à la contre-révolution française, si elle avait eu lieu. L’asservissement des colonies aurait entrainé celui de l'Angleterre, et l'on peut être odieux aux gouvernements injustes et arbitraires, mais on n'est l’ennemi d'aucun peuple lorsqu'on défend les droits du genre humain.

Parmi les contrastes les plus remarquables de la