Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

298 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

Révolution française, il n'y en a pas de plus étrange que d’avoir vu d'une part La Fayette appelé aristocrate et traître par les Brissot, Dumouriez, Robespierre, Marat, Danton, qui, après s'être réunis contre les défenseurs vertueux de la liberté, ont établi l’aristocratie la plus tyrannique qui ait existé et se sont ensuite déchirés les uns les autres; et de voir d’un autre côté reprocher les désordres à celui qui les a réprimés avec tant d'énergie, par les gouvernements mêmes que la voix publique accusait dès lors de les fomenter, et qui, par leurs intrigues secrètes contre le défenseur de l'ordre publie, par leur acharnement à retenir dans les fers le seul homme qui, de l’aveu de tous les partis, eût pu le rétablir en France, ont démontré qu'ils étaient eux-mêmes les fauteurs de l'anarchie à laquelle ils affectaient de vouloir s’opposer. Veut-on se former une idée juste des trois prisonniers d'Olmütz? Ils ont été proscrits par les jacobins, trainés dans les cachots des puissances coalisées depuis le commencement de la Révolution: ils ont eu pour adversaires tous les désorganisateurs et tous les antagonistes de la liberté; un de leurs plus honorables titres, c’est la liste de leurs ennemis.

Qu'ont gagné les puissances par leurs intrigues et leur persévérante haine contre les honnêtes gens? Ont-elles détruit la Déclaration des Droits en emprisonnant son auteur ? Ont-elles dissipé quatre millions de gardes nationales en retenant au secret celui qui les forma? Ont-elles espéré tromper la nation française en lui parlant de constitution libre, de vœu national, d'ordre public, lorsque ces vaines déclarations étaient réfutées par ce seul mot : Vous retenez La Fayette dans les fers ? Qu'ont-elles gagné à cette