Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

CORRESPONDANCE INÉDITE 303

vœux ardents pour que la République s’établisse sur des bases solides.

Voilà ce que nos amis démocrates doivent établir bien clairement, sans craindre d'aller au fond d’aucune question, comme le mandait notre ami Maubourg dans une lettre à MM. Cadignan et Boinville que je souhaite bien que vous lisiez. Il faut convenir que les pieux royalistes, même les meilleurs, ayant le défaut de voir toujours le roi comme partie principale et ne sentant pas le peu de prix que les démocrates mettent à cet accessoire, sont sujets à penser que c’est pour ou contre la royauté que les démocrates travaillent, et que par conséquent ils sont devenus, suivant eux, meilleurs ou plus mauvais lorsqu'ils n'ont fait réellement que servir la liberté qui est leur principal objet, et maintenir la souveraineté nationale et les autorités qui en émanent. Mais comme, après ces grands principes, on peut aussi réfuter les petits détails, il est facile, comme vous le savez, de prouver que votre ami a été généreux et humain pour tout le monde, même pour les rois, et qu'il en a donné plusieurs preuves à Louis XVI et à la reine elle-même, quoique celle-ci eût coutume de dire qu'il n'y avait que pour les rois qu'il n'était pas sensible.

Quant aux reproches sur la révolution américaine, il serait bien fâché de disconvenir de l'influence très grande et peut-être décisive qu’il a eue sur cette révolution. Mais c’est à Bordeaux, et non en Angleterre, qu'il a acheté son vaisseau, et, quoiqu'il ait beaucoup dansé à Londres et qu'il y ait un peu persiflé S. M. Britannique, la seule fois qu'il ait eu l'avantage de la voir, il eut la délicatesse de refuser la permission que lord Sandwich, ministre de la marine, et M. Stanley, gouverneur de l'ile de Wight, lui